La Belgique a certainement commis quelques erreurs dans la gestion du problème du terrorisme : le plus important est celui de le traiter comme une affaire d’ordre publique, une attitude qui jette les bases d’un Etat policier, la seule forme de gouvernement qui permet la gestion de l’ordinaire avec les caractéristiques de l’état d’exception (c’est ce qui se passe en France en ce moment).
Mais cela ne justifie pourtant pas l’avalanche de vitupérations à l’égard de la Pauvre Belgique: par exemple, le politologue français Gilles Kepel a déclaré au quotidien italien « Corriere della Sera » que la Belgique est un état en déliquescence (à l’instar de l’Afghanistan, de l’Irak et de la Syrie!) et que la société belge est au bord de la guerre civile à cause de la division linguistique entre Flamands et Wallons… (Le stragi organizzate in Belgio…, « Corriere della Sera », 22 mars 2016). Un journaliste, dans le même quotidien, renchérit: « Bruxelles est protégée comme une vieille installation de campagne (sic) » (il aurait pu ajouter, à la Baudelaire, que « la Belgique est le bâton merdeux de l’Europe »).
C’est de la propagande, il est clair: tout peut aider à propager la nécessité de centraliser le pouvoir de décision dans les mains d’une oligarchie qui n’est élue par personne. Si une météorite était tombée sur Bruxelles, tout le monde aurait répété les mêmes choses.
Même si toute occasion est bonne pour invoquer « plus d’Europe », fonder une communauté sur la terreur, l’angoisse et la peur ne me paraît pas être une bonne idée : la crainte de sauter dans le métro va devenir la seule raison pour se sentir européens de cette manière.
C’est préoccupante surtout parce que nous ne sommes pas en guerre (aussi beaucoup prétendent le contraire). Il faut au moins être deux pour faire une guerre : comme dit Clausewitz, Der Eroberer ist immer friedliebend (« Un conquérant est toujours ami de la paix »). Et pour citer Eric Werner :
« C’est la défense qui est à l’origine de la guerre, non l’attaque. C’est toujours, en effet, le défenseur qui décide s’il y aura ou non une guerre. […] Si la soumission est ce qui permet d’échapper à la guerre, l’inverse est vrai aussi: la guerre est ce qui permet d’échapper à la soumission ».
L’Union européenne a clairement montré la volonté de ne pas combattre, pour plein de raisons (lâcheté, paranoïa, incompétence, mal de vivre…) ; alors pourquoi ces conquérants continuent de taquiner l’adversaire au lieu de lui donner le coup de grâce ? Le « stragisme sans but » à un certain point peut conduire à une réaction disproportionnée.
C’est la drôle de paix : une communauté qui refuse de résister (et le proclame en pleurant !) est continuellement invité à l’action par l’ennemi. A quoi ça sert ? Peut-être que l’expression Qualis rex, talis grex (« Tel qu’est le roi, tels sont ses sujets ») vaut également pour les ennemies. Peut-être que cette « Europe » mérite les conquérants les plus méprisables, les plus ignobles et les plus puéril de l’histoire humaine.